La restauration des bibliothèques institutionnelles de Phnom Penh |
La préservation du patrimoine littéraire et religieux, transmis sur le support fragile que sont les feuilles de latanier a fait l’objet de longue date de la préoccupation de l’EFEO. Dès le début du XXe siècle, ses savants s’étaient penchés sur les textes accessibles à Phnom Penh, réputés les plus sacrés et les plus prestigieux. Ils y avaient retrouvé, sans surprise, la transcription en khmer et la traduction vernaculaire partielle des grands textes du canon pæli et de leurs commentaires. En 1925, une ordonnance royale avait institué la Bibliothèque royale du Cambodge dont Suzanne Karpelès, membre détachée de l'EFEO fut le premier conservateur. En 1943 cette bibliothèque fut intégrée, sous la direction de Pierre Dupont, également membre de l’EFEO, à l'Institut bouddhique qui avait été fondé en 1930. Demeuré, après l’indépendance en 1953, le creuset des études khmères au Cambodge, l’Institut bouddhique a été fermé du jour au lendemain par les Khmers rouges le 17 avril 1975, et ses collections ont été désorganisées. Après l’effondrement du régime des Khmers rouges en 1979, quelques personnes extraordinaires s’attachèrent à ramasser, là où il était possible d’en retrouver, les manuscrits de l’ancien Institut bouddhique afin de les protéger. La part la plus importante de l’ancien fonds fut ainsi mise à l’abri par le Vénérable Preah Vanarât Kèn Vong qui fut l’un des six premiers religieux khmers ré-ordonnés au Cambodge après 1979. Après quelques vicissitudes ces manuscrits ont aboutit au Vatt Saravann, dont le Vénérable Preah Vanarât était devenu l’abbé. C'est là qu'en 1992, deux ans avant sa mort, le Vénérable Ken Vong fit appel à l’équipe de l'EFEO-FEMC afin de lui confier le soin de procéder à la restauration de cette collection, de très loin la plus riche du Cambodge, et de procéder à son classement. Une autre partie de l’ancienne collection de l’Institut bouddhique a été déposée au Musée National. L’équipe de l'EFEO-FEMC a été chargée de sa restauration et de la constitution de son inventaire en 2002. L'année suivante, l’équipe de l'EFEO-FEMC s’est attelée à la tâche de restaurer et de dresser l’inventaire des manuscrits de la Bibliothèque Nationale de Phnom Penh dont le plafond s'était effondré. Comme le Musée National, la Bibliothèque Nationale avait recueilli, dans les années 1980, une partie de l’ancienne bibliothèque de manuscrits de l’Institut Bouddhique. Cette collection est la seconde en importance et en intérêt après celle du Vatt Saravann. En restaurant les deux principales bibliothèques de manuscrits détenues par des institutions nationales relevant du Ministère cambodgien de la Culture – entreprise qui incluaient la confection de plusieurs centaines d’étuis traditionnels en claies de bambou recouvertes de tissu et celle d’un mobilier particulièrement soigné, adapté à la conservation des manuscrits –, l'équipe de l'EFEO-FEMC honorait un engagement du Directeur de l’École, le Pr. Jean-Pierre Drège, pris à l’occasion des cérémonies qui marquèrent au Cambodge le centenaire de l’École au mois de mai 2001. Au mois de janvier 2004, enfin, l’équipe a eu accès au dernier fragment connu de l’ancienne collection de l’Institut Bouddhique, repéré de longue date dans l'un des bâtiments de la Pagode d’Argent, située elle-même dans l’enceinte du Palais royal de Phnom Penh. La restauration de ce fonds, principalement constitué de textes en langue pæli, et la constitution de son inventaire sont aujour¬d'hui achevés. L'inventaire des collections des bibliothèques institutionnelles de Phnom Penh – incluant celle du Vatt Saravann, du Musée National, de la Bibliothèque Nationale, de la Pagode d'Argent et de l'Université royale de Phnom Penh – constitue la matière de la seconde partie de l’Inventaire provisoire des bibliothèques du Cambodge, dont la première partie concernait les bibliothèques monastiques de Phnom Penh et de la province de Kandal, tandis que la troisième partie est consacrée à l'inventaire des collections des bibliothèques monastiques de la province de Kompong Cham. Ces trois documents, dont la substance est d'ores et déjà constituée, doivent servir de base à l'élaboration de l'étude descriptive générale de la littérature khmère traditionnelle du Cambodge dont George Cœdès formait le vœu il y a près d'un siècle, et qui, par la plus cruelle ironie du sort, n'aura pu être mené à son terme qu'après le plus terrible autodafé qui se puisse imaginer.
|